Champignon de bouleau

J’ai cherché et cherché, et je crois bien que le champignon qui colonise allègrement ce bouleau est l’amadouvier (Fomes fomentarius, Tinder fungus), qu’on retrouve sur le platane, le bouleau, le peuplier, le chêne, l’aulne et surtout le hêtre, qu’ils soient morts ou vivants (source). En français, on l’appelle aussi polypore à feu, polypore amadou ou polypore allume-feu… tiens tiens! La chose est si étrange que je vais allègrement citer ce document, absolument fascinant (en pdf). Je suis étonnée et déjà moins ignorante!

Cet amadou fait partie des objets de première nécessité depuis la période mésolithique, soit de 12 000 à 6 000 ans avant Jésus-Christ. En Angleterre, par exemple, on a retrouvé des traces de son utilisation remontant à près de 10 000 ans. Il sert de premier combustible, car il s’allume au contact des étincelles produites par le frottement d’un morceau de pyrite de fer et d’une roche très dure, comme le quartz.

[…] la chair, située immédiatement sous la cuticule du sommet. Elle a la consistance du liège et constitue, à proprement parler, l’amadou. […]

[…] Le champignon étant vivace, il peut comporter de deux à douze chapeaux juxtaposés ou partiellement fusionnés, ce qui explique la longueur relative des tubes. Les couches successives du chapeau sont facilement observables de l’extérieur, car elles laissent souvent une marque sur la cuticule qu’accentuent des protubérances d’inégales dimensions

Du mycologue Christian Hendrick Persoon (1819) (même source, toujours):

Voici la manière de préparer l’amadou. Elle consiste à ramollir par la cuisson la substance cotonneuse du bolet, et à l’imprégner d’une matière capable de donner plus d’activité au feu, quand on l’allume. Après avoir exposé l’amadouvier dans un milieu frais ou dans une cave, pour le faire ramollir un peu, on le coupe ensuite par tranches minces; on rejette la partie par laquelle le champignon adhérait à l’arbre; on retranche aussi les tuyaux; on bat ces lames sur une pierre unie ou sur un billot de bois; on les dispose ensuite par lits dans une grande marmite de fer ou un chaudron; on y verse de l’eau en suffisante quantité pour que le tout surnage, et on ajoute du salpêtre selon la quantité d’amadou; on fait bouillir le tout une demi-heure ou une heure. Après ce temps, on retire ces tranches et on les fait sécher lentement à l’ombre ou dans un milieu médiocrement chaud; ensuite on recommence à battre…

Ouais, bon, c’est génial mais c’est pas ce qui va me sauver si je me perds en forêt sans briquet! Y a d’autres façons de faire…

Plus simple encore, on se servait des cendres utilisées pour blanchir le linge quand on faisait la lessive. On raconte que les bûcherons des Vosges enterraient les tranches d’amadou, puis les arrosaient d’urine durant un certain temps. Ce procédé est également rapporté par Persoon. […] Les spécialistes ne croient pas qu’en Nouvelle-France, nos ancêtres aient directement utilisé l’amadou pour allumer le feu, tel que le pratiquaient les Européens. Ils se servaient plutôt de petit bois coti, pourri par la présence de champignons, vraisemblablement du polypore amadou.

Précisons enfin que plusieurs polypores ont servi à allumer et à préserver le feu. Il faut nommer plus particulièrement le polypore du bouleau (piptoporus betulinus), le polypore oblique (inonotus obliquus) et le ganoderme aplani (ganoderma applanatum). Il semble néanmoins qu’en Europe, ce soit le fomes fomentarius qui ait été le plus utilisé.[…]

L’amadou ne sert pas seulement à allumer un feu mais, depuis la période préhistorique, il sert à le transporter. Il suffit d’évider quelque peu le polypore, puis de l’allumer. Il se consumera lentement. Il faut comprendre qu’avant l’emploi d’éléments chimiques utilisés seulement depuis le XIXe siècle (allumettes soufrées, oxyde de manganèse, etc.), les mèches utilisées par les artificiers et canonniers étaient faites de produits naturels à base d’amadou qu’on frottait souvent avec de la poudre à canon. Lors de la tentative d’assassinat de Napoléon, rue Saint-Nicaise, le 24 décembre 1800, on avait eu recours à une bombe allumée par une mèche d’amadou.

Et ce mot, amadou, il vient d’où?

[…] en 1546, dans Le Tiers Livre, Rabelais utilise le terme amadouer dans le sens de frotter Ce verbe ferait référence aux mendiants qui s’enduisent d’une substance, appelée amadou, pour se jaunir le visage afin de paraître malade et de susciter la pitié. Selon le Dictionnaire historique de la langue française, l’origine la plus généralement admise est celle du mot provençal amadou qui signifie amoureux, car l’amadou, comme le coeur des amoureux, s’enflamme facilement. Peu importe, le mot fait partie de la langue française depuis plus d’un demi-millénaire.

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14 réponses à Champignon de bouleau

  1. Manon dit :

    wow,

    merci pour ce billet champignonesques historiques.

    m’en va me coucher moins ignorante ce soir 😉

  2. Alain Cliche dit :

    …pour moi tous les champignons seront toujours des maisons de Chaperonnette à pois…

  3. Manon dit :

    J’ai fini par en trouver moi aussi!

  4. Manon dit :

    J’avais gardé une tite gêne quand même!

    • vieux bandit dit :

      Bah bah bah 😉

      T’es sous la neige, toi? Ici c’est comme si la nature me testait et j’ai envie de la laisser gagner et de retourner sous les couvertures. (Là j’avoue: j’en ai marre de l’hiver! Les 10 cm+ de neige, la pluie par dessus, la re-neige, le brouillard, et la boue en dessous de tout… ça suffit! J’suis prête à passer à autre chose!)

  5. Manon dit :

    oui de la neige ici ce week-end (samedi et dimanche et cette nuit)… Samedi ça a commencé comme je prenais le champi en photo. Juste avant j’avais une fleur de fraisier sauvage… La pauvre elle était ben trop en avance elle a gelée ben raide avec le pouce de neige qui lui est tombé dessus.

    Je me sevrais bien passé de cette neige moi aussi 🙁

    genre de neige qui fait de la gabouette comme on dit 😉

    • vieux bandit dit :

      Un pouce??? Ici si on n’avait pas eu de pluie pour compenser et alourdir la neige, on aurait eu un bon 30 centimètres! Mon jardin? Je l’ai vu… 3 jours! Il est redisparu. Les fraisiers sauvages commençaient (et commencent toujours, que je sache) à reverdir sans plus. Les pousses d’hémérocalles près de la maison se font un chemin dans la neige, mais à part ça, blanc, blanc, blanc, blanc!

      La nuit passée on a eu une trace de neige encore. Juste assez pour que la promenade soit ponctuée d’un recensement: lièvre ici, lièvre là, renard ici? chat là? Hier j’ai vu quelques buses (bonne journée pour elles, avec les proies toutes sur fond blanc) et ce matin je vois un peu de sang sur la neige devant, là où les oiseaux ont leur buffet…

  6. Manon dit :

    Je viens d’aller porter des lettres dans ma boîte à « malle »…

    On a eu de bonne bourasque de vent ici hier… résultat plusieurs branches du dit bouleau à amadouvier sont tombées au sol ce matin.

    Je sens que sa vie utile achève, mais il est encore bon pour les pics bois 🙂

    snif pour le sang sur la neige dans ton buffet à oiseaux

  7. Yanick dit :

    Super. Belles histoires très intéressantes. Mais ça ne me dit pas si c’est bon à manger et comment le préparer si commestible ?