Mon père est mort lundi

Mon père est mort lundi. J’ai l’impression que je devrais en dire un mot, mais franchement, il était un étranger pour moi et moi une étrangère pour lui depuis plus d’un quart de siècle (c’était mon choix au départ, motivé par son comportement pendant les 15 années où je l’ai connu, mais ensuite c’était le sien aussi, puisque j’avais mis des termes clairs pour une ouverture possible, et il a choisi de ne pas saisir l’occasion, ce qui, bien franchement, ne m’a pas attristée; de toute façon, j’avais développé des réserves à cet égard depuis). Mes condoléances à sa famille, si elle les souhaite. Je n’ai pas grand chose d’autre à dire là-dessus: je ne ressens rien à ce sujet (peut-être une vague inquiétude que la cause de sa mort soit génétique, mais bon, hein, je peux aussi me faire tuer par un chauffard en allant chercher mon courrier de l’autre côté de la piste de course route où je vis). Vraiment: j’ai appris la nouvelle, et je me suis demandé ce que je ressentais, et seul le silence m’a répondu. Un silence neutre. Il y a longtemps, je croyais que la nouvelle me procurerait une certaine libération. Mais là, des décennies plus tard, même pas: elle ne change rien. Ah si, pourtant, elle me fournit une réponse plus simple à donner quand on me posera des questions à son sujet. Non pas je ne suis plus en contact avec lui, mais il est mort. Voilà, sujet clos, sans malaise.

Pour marque-pages : Permaliens.

4 réponses à Mon père est mort lundi

  1. Clément dit :

    Ouais. Je comprends un peu. Mais bon. On ne dit pas « il est mort » comme n’importe quel en autre phrase. Alors soit.

    Et oui: que la vie continue.

    • Campagnarde dit :

      Mais tu sais, des étrangers, des inconnus, il en meurt sans cesse. Mardi quand j’ai su, je pensais surtout à Camus, en me disant «mon père est mort hier». Pas «papa», comme lui disait «Maman est morte hier», cependant. C’est un beau début de roman, et il me touche bien plus que cette nouvelle-là.

      Dans les médias, quand on dit «un Canadien parmi les victimes de xyz», ça ne me fait pas plus de peine pour lui (ses proches) que pour les autres victimes. Alors dans ce cas, c’est «une personne à laquelle je suis reliée par les gènes est décédée». C’est techniquement plus proche, on avait de l’ADN reliée, mais à part ça…? Voilà.

      C’est surtout une leçon, au fond: attention à nos (mes!) enfants. Parce qu’après tout, même si en général jamais je ne leur souhaite de douleur, j’aimerais bien qu’ils aient de la peine quand moi je mourrai! Après plus de deux tiers de ma vie vécue sans le connaître… le train avait passé, disons.

  2. Clément Laberge dit :

    Je comprends (un peu) ((je pense)).

    • Campagnarde dit :

      Comment te dire… c’était une personne qui a fait de mes premiers souvenirs, à 3 ans, un geste violent, avec larmes de ma mère en prime. Je t’épargne la suite, mais elle est dans le même ton. Je peux comprendre aujourd’hui qu’il se sentait (entre autres) impuissant (d’où son besoin de contrôle sur autrui), mais ça explique sans excuser. Et jamais il n’a admis quelque tort que ce soit (au contraire). Donc j’ai passé outre. Depuis tellement longtemps qu’il n’y a plus ni blessure ni même cicatrice. C’est plus compréhensible?

      (Je pense que… ne pas bien comprendre tout ça, c’est en quelque sorte une chance! Alors je vais cesser de t’expliquer, hahaha!)