La pelouse et moi, une guerre à long terme

Vous n’avez pas idée à quel point je ne comprends rien aux pelouses et aux gazons. Je les trouve affreux. Laids. Atroces. Horribles. Et peut-être n’y avez-vous jamais réfléchi, mais la pelouse n’a absolument rien de naturel (en l’absence de troupeaux qui paissent, du moins, et venez me dire que vous avez ça chez vous!). La plupart des espèces de gazon vendues et achetées ici ne sont pas d’ici.

Alors pourquoi ai-je été aussi ravie de voir, en mai dernier, mon Homme se tranformer en cousin de Forest Gump sur son tracteur (donné avec l’achat de la maison, car jamais je n’achèterais pareil engin!)? D’abord parce que j’ai ri, mais ri! Ensuite parce que je crois bien qu’on n’a pas le choix. Si on ne tond pas la chose, la végétation d’ici va reprendre tous ses droits, et la forêt sera bientôt à chacune de nos fenêtres. Nous tondons… en attendant. Parce que le gazon est somme toute facile à enlever (comparé à… un arbre, mettons!) quand je serai rendue là dans mes plans jardineux.

Je vous offre, en attendant, un bout d’un article (ici, au complet mais en anglais) de Robert Fulford datant de 1998 qui illustre une partie du ridicule que je vois dans les pelouses.

La pelouse est l’expression d’une personnalité impérialiste: plus que toute autre forme végétale, elle satisfait la portion de l’âme humaine qui cherche le contrôle. Il y a quelques années, Robert J. Samuelson, chroniqueur chez Newsweek, a répondu aux critiques écologiques de la pelouse dans un texte intitulé «The Joys of Mowing» (Les joies de la tonte), dans lequel il déclarait «Dans cette ère où presque tout échappe à notre contrôle, ce n’est pas le cas des pelouses. Nous sommes un meilleur pays à cause de nos pelouses et nous avons besoin de plus de gazon, pas de moins.»

La conception d’une pelouse est un art qui cache l’art: c’est, en fait, le seul aspect du jardinage qui cache à la fois le travail effectué et la nature de la vie végétale elle-même. Une pelouse qui atteint la perfection cesse d’avoir l’apparence d’un végétal et ressemble à une version synthétique d’elle-même. Elle n’a ni bosse ni mauvaise herbe, et aucune nuance de couleur: de loin, une pelouse parfaite fraîchement tondue est indifférenciable du gazon synthétique.  De ce point de vue, l’arrivée du gazon synthétique était inévitable : puisque les pelouses sont essentiellement artificielles, pourquoi n’y aurait-il pas d’ersatz de pelouses? Diverses imitations de gazon ont vu le jour dans les années 1960, et du gazon synthétique a été installé en 1966 à l’Astrodome de Houston. Même si les fausses pelouses coûtent plus cher à l’achat, elles ne requièrent ni arrosage, ni roulage, ni découpage, et les taupes n’y creusent pas de trous. Bien sûr, elles ne font pas l’unanimité. Les athlètes les trouvent dures pour leurs pieds, et au départ quelques incidents gênants se sont produits. En 1971, le gazon synthétique de marque Poly-Turf installé au stade de football de Miami a tourné au bleu au soleil. Ça n’était pas si mal (on y organisait le Orange Bowl, après tout), mais quand le soleil a fait fondre les fibres, le terrain est devenu aussi lisse que de la glace. Au Tennessee, un terrain de football en faux gazon est devenu noir… et tous ont trouvé que cela dépassait les bornes.

Tiré de l’article The Lawn: North America’s magnificent obsession, de Robert Fulford (Azure, juillet/août 1998)

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2 réponses à La pelouse et moi, une guerre à long terme

  1. Marie dit :

    Je reste en banlieue et j’ai choisie de ne pas avoir de gazon en avant. J’ai pleins de vivaces, des fines herbes, de la lavande, des roses, des hostas, des rudbeckias…et je trouve ça vraiment joli. Mais quand on invite des amis à la maison, ils ont tous la même reaction…tu n’as pas de gazon en avant ! supposément que ca fait pas « propre » et qu’un jardin exubérant ca va au fond de la cour. alors ça m’a fait du bien de lire ton billet 🙂 La nature nous offre de si belles choses et en plus, ça plait aux abeilles ! pourquoi on s’en priverait ? 🙂

    • vieux bandit dit :

      Que c’est étrange! Ces gens-là passent-ils l’aspirateur sur leur pelouse pour qu’elle soit « propre »? 😉

      C’est étrange (de mon point de vue) quand les gens acceptent sans se poser de question des normes qu’ils n’ont de toute évidence pas créées. Faudrait que tout entre dans un moule, sans quoi on ne sait pas comment réagir. Je vois bien que beaucoup de gens sont ainsi, mais ça m’est complètement étranger! Je remets TOUT en question! (Ben enfin c’est pas vrai, faut bien se fier à certaines notions de temps en temps ou on deviendrait fous, mais… je remets beaucoup de choses en question.)

      Ah, les abeilles! Un très bon argument, ça! J’adore les abeilles! Et que ça doit être magnifique chez vous, avec le jardin exubérant en avant! (Y a des minucipalités qui interdisent les abris Tempo supposément trop laids, et pourtant on y trouve chaque dimanche des colonies de bedonnants en bédaine qui poussent leur tondeuse. Allez comprendre! 🙂

      (Et se faire réveiller par une tondeuse de voisin, c’est pas agréable, ça? 😉