Réflexions sur la panique scolaire

Ça va, chez vous? (Si vous n’êtes pas chez vous, ne me le dites pas. Je capote déjà assez comme c’est là!) Chez nous, ça va. Comme je le disais l’autre fois, on vivait déjà, chez nous, à temps plein ensemble et avec nos enfants. Alors pour nous, l’école et la vie continuent. C’est comme si depuis des années, on se préparait à faire face à une telle situation (sauf financièrement; ça, ce sera vite plus compliqué). Ce n’était pas consciemment le cas! Sauf que depuis que nous vivons à la campagne, nous avons appris plein de choses qui nous rendent le confinement moins difficile que pour d’autres (et nous avons accès à l’extérieur, une grande chance).

S’il y a des gens qui ne se croient pas à risque parce qu’ils sont jeunes et en santé, ils se trompent et ce rapport le montre bien. Je donne le lien parce qu’il y a encore des gens peu convaincus, qui vont tous nous faire endurer une pandémie plus longue et une crise plus grave. Ce n’est pas le temps pour la pensée magique ni pour l’émotivité aux commandes. C’est dur, oui, mais il faut s’isoler. Dire non à ceux qui voudraient nous voir, etc. On a tellement l’instinct de se réunir, de se regrouper, en cas de malheur, que tout ça est difficile de plein de façons. Mais nous sommes capables.

Voici le billet le plus hilarant que j’ai lu sur ce que vivent les parents avec leurs enfants soudainement toujours à la maison. En ce moment, c’est la panique dans les chaumières. J’aurais envie, parents paniqués qui ne savent plus où se garrocher, de vous faire un gros câlin… virtuel. Ça va être correct. Le besoin de performer, la pression que vous ressentez ou que vous sentez que vous devriez mettre sur vos enfants? Lâchez la. Lâchez l’idée des cahiers, des apprentissages-comme-à-l’école (de toute façon, l’école à la maison, ce n’est vraiment pas comme en classe! et ça s’improvise difficilement, et surtout pas en situation de crise de santé publique, en crise économique, etc.). Je sais bien que le ministère dit le contraire et que vous allez l’écouter. C’est pas grave: je suis habituée d’écrire sans être lue ni crue, je ne m’en fais plus avec ça.

On vit une situation hors de l’ordinaire: ne tentez pas de recréer l’ordinaire, vous vous donnez un but impossible à atteindre. Lisez-leur des livres s’ils sont petits, encouragez-les à lire sinon, et laissez-les jouer et s’emmerder. Oui: laissez vos enfants s’ennuyer jusqu’à plus soif. Parce que rendus là, ils vont d’eux-mêmes trouver des apprentissages. L’humain qui n’est pas forcé d’apprendre ce qu’on tient à lui enseigner (de la manière qu’on a choisi de l’extérieur, au rythme qu’on impose)… finit quand même par apprendre, de façon autonome et souvent très satisfaisante. Vous n’avez pas fait la classe à vos bambins pour qu’ils apprennent à parler (et regardez-les maintenant, impossibles à faire taire!). Dans leur petite enfance, ils ont appris en observant, en posant des questions, en expérimentant. Laissez-les retrouver ça en eux; accompagnez-les en parents, pas en enseignants improvisés.

Le reste, la structure scolaire, reviendra bien assez tôt. Je ne veux pas dire que le retard sera vite rattrapé: ce que je veux dire, c’est qu’imposer la notion de retard est en soi erroné. Je trouve qu’on ne comprend pas le problème quand on s’inquiète du fait que les enfants vont oublier (comme l’été, dit-on) leurs apprentissages scolaires. Le problème n’est pas que les élèves oublient (l’été compris), mais bien qu’on leur impose une façon d’apprendre qui leur est si étrangère, si peu organique, que manifestement il ne s’agit pas de réels apprentissages, pas de réels acquis. Ils associent apprendre et école, ce qui est un boulet invisible, lourd de conséquences, qu’on traîne souvent longtemps. Si vous voulez mettre de l’énergie quelque part, mettez-la là, à faire comprendre et voir à vos enfants qu’apprendre peut venir de l’intérieur (de tout et de partout!). Qu’apprendre ne dépend pas de l’école, du système, du cahier ni de l’enseignant.

[Dommage, n’est-ce pas, que le ministre Roberge n’ait jamais convoqué la Table de concertation nationale en matière d’enseignement à la maison regroupant toutes les associations de parents-éducateurs, tous les experts et tous les intervenants. Car les outils et les philosophies dont les parents et les écoles ont besoin existent déjà, et auraient pu être déployés, offerts en toute solidarité. Mais non, le ministre, lui, sait tout. Tout seul. Sans nous le demander. La science infuse!]

P.-S. – Avis aux amateurs de BD: Dargaud a mis en ligne 10 albums.

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Une réponse à Réflexions sur la panique scolaire

  1. Campagnarde dit :

    Ici https://twitter.com/sim_kern/status/1240328213999554561 on fait remarquer (c’est bon de le souligner) que la structure des écoles, avec ses horaires précis et ses fiches d’exercices, existe surtout pour… le maintien de l’ordre et le contrôle de la foule. Dans une famille, ce n’est pas de ça dont on a besoin. Pour *apprendre* on n’a pas besoin de ça (même que pour beaucoup, et souvent, ça nuit).