Récolte du printemps

Ou: rage d’un matin à Saint-Édouard. Au printemps, c’est immanquable, je récolte pendant deux kilomètres d’un côté du chemin et deux kilomètres de l’autre (sur la photo, la récolte d’un seul  matin, et pas le pire). Parce qu’avant, la neige cache tout et qu’après, les feuilles vont dissimuler… l’imbécilité profonde de mes concitoyens. Je pars avec un sac vide et quand je reviens, il est plein… et même qu’il déborde généralement. Bud et Coors remportent haut la main le concours des bières en cannette favorites des crétins saouls sur roues. Bah, saouls, faut le dire vite: quand on boit une merde comme ça, ça en prend beaucoup pour se saouler. Ah ben c’est comme un défi alors, parce que beaucoup, c’est ce que je trouve. Jour après jour.

Des emballages d’aliments, aussi, mais je peux présumer qu’un bac de recyclage renversé, un bon vent, tout ça, d’accord. Les mégots aussi je les ramasse (allô les fumeurs c’est de la fibre de verre, ça ne se décompose pas, et je trouve vraiment douteuses les occasions où je récolte plus de 12 mégots de la même marque dans un espace de quelques mètres carrés — aller faire vos appels ailleurs que sur un chemin public, bordel!). Et il y a maintenant des plaies pas loin (pas à 75 km comme avant!), celles que sont les McDo, Tim Hortons et autres endroits qui produisent… beaucoup de déchets le long des routes. Mais côté volume et quantité? Bud, Coors. Light. Parfois, Molson bateau et Corona.

Je ne suis ni sociologue ni anthropologue. Je ne suis pas experte en santé mentale ni en toxicomanie. Je ne sais pas ce qui pousse les gens à baisser leur fenêtre de char pour pitcher dans la nature une bouteille, une cannette. (Ce n’est certainement pas la peur de se faire pogner avec de l’alcool dans le véhicule. Parce que je nettoie des chemins où, en neuf ans et demie, je n’ai jamais vu le moindre véhicule de police [alors que nous sommes témoins d’excès de vitesse quotidiens qui seraient trrrrrès bien visibles pour un radar placé dans ces chemins! et témoins aussi d’autres comportements qui mériteraient une petite conversation avec la SQ (du genre ben quoi on jase, c’est to-ta-le-ment un hasard si on bloque com-plè-te-ment un chemin public…)]).

Alors c’est quoi? De la stupidité, de l’inconscience? Un problème générationnel? (Non, je ne pense pas que ce soit aux jeunes qu’il faut lancer la pierre…) Une bonne blague, puisque j’ai été vue accroupie le long des fossés en train de pêcher les déchets d’autrui et que la quantité quotidienne a ensuite… augmenté? Pour moi, la réalité est simple: l’eau est une ressource commune. Tout ce qui tombe du ciel en pluie ou en neige passe par le sol pour rejoindre la nappe phréatique où nous avons tous nos puits et nos systèmes d’aqueducs. Dooooonc, on s’assure que le sol est propre, sans déchets qui vont dégrader la qualité de l’eau dont notre vie dépend (ah peut-être pas si on ne boit que de la Bud…), on ne déverse rien, et on ne jette rien dans la nature. (Aussi? À Saint-Édouard, ce qu’on a, c’est la nature. Ce qu’on n’a pas… prendrait le reste de ma vie à énumérer!) Et (et là je sais que j’ai le sens de la responsabilité plus développé que la moyenne, mais j’ai raison quand même!) quand on VOIT un déchet on en DEVIENT RESPONSABLE. Donc je ramasse.

Au printemps, j’avais encore une rage énorme. Cet été j’ai dû faire une pause de ramssage: on ne voit plus grand-chose sous la végétation. Cet automne j’ai repris le travail, mais ma rage avait fondu. Je ramasse, c’est tout. Sans sacrer trop. Ça ne m’empêche pas de mépriser les jeteurs et saccageurs (c’est pas un beau sentiment, le mépris, mais c’est moins violent que ce que je ressentais avant…).Quand je lis que le Canada veut diminuer ses déchets de moitié, je suis déchirée. Évidemment on ne peut pas être contre ça. Mais en même temps j’ai très peur. Je peux déjà imaginer les campagnes de sensibilisation pour la réduction à la source, dans les foyers (je suis certaine que les déchets industriels ont un volume plus imposant, mais c’est comme pour tout, on va demander aux citoyens de faire leur effort, sûrement sans contraindre les grandes entreprises trop trop…). Et ensuite les menaces d’amendes, comme pour l’eau gaspillée (alors que l’industrie gaspille exponentiellement plus que les communs des mortels réunis, même avec leurs belles piscines). Ce n’est pas que j’ai peur d’être mise à l’amende. C’est qu’aucune amende ne sera donnée en région. Aucun dépassement ordurier ne se fera voir ni sentir. Non. Les gens, dans bien des cas, vont retourner à leurs pratiques d’antan (et par là je ne veux pas dire ce que faisaient leurs ancêtres mais bien: ce qu’ils ont toujours fait en se crissant bien de votre opinion et de la mienne). Nommément? La décharge privée, sauvage, sur leur terre à bois. Un sentier, bien privé, de véhicule tout terrain (pas un quatre roues, ici, mais un bécyk, car les bécyks à pédalles, c’est une autre anomalie!), une remorque vidée, et c’est tout. On reviendra quand on en aura d’autre. J’ai le droit: c’est à moi. J’ai le droit. C’est à moi. Et quand moi je tombe sur ces décharges sauvages, eh bien… rien. À. Faire.

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2 réponses à Récolte du printemps

  1. Lyne Lavoie dit :

    Lors d’un voyage en train dans Lanaudière ,il y a plusieurs années,j’ai eu l’occasion de voir plusieurs de ces décharges privées,le train passant au bout de certaines terres. Quelle désolation!