La leçon de la machine à pain

Ma première machine à pain m’avait été donnée par une autre montréalaise qui ne s’en servait pas. Elle était toute simple, blanche, et son bouton de démarrage était décalé, invisiblement, de la mécanique dessous qui permettait vraiment de la démarrer. Il fallait… zigonner. Mais pour 0$, je suis prête à zigonner un peu. J’avais son mode d’emploi, je suivais sa recette par cœur. Quand elle est morte, nous vivions déjà à la campagne, et je ne pouvaisvoulais plus vivre sans.

J’avais pris l’habitude du pain sans pétrissage, mais du pain de tous les jours fait à la machine. J’ai fait plein de recherches. Je voulais que la machine me donne un pain de bon format, je voulais qu’elle soit polyvalente. J’ai fini par acheter un modèle assez cher, oui, avec beaucoup de fonctions. Allez savoir pourquoi, j’ai été convaincue par le fait que celle-là réussit mieux que les autres les pains sans gluten (c’est l’fun, là, mais personne n’a d’intolérance au gluten chez nous, ni l’envie de manger un pain sans gluten!). Je ne regrette pas mon achat (mais je vous recommande, peu importe la machine, d’acheter tout de suite la petite pièce qui tourne au fond, qui est amovible et que vous allez égarer… Une pièce à quelques dollars [j’ai fini par en commander deux autres, au cas!] qui, perdue, rend inutilisable la machine qui en vaut pas mal plus!)… mais une machine bien plus simple aurait tout aussi bien fait l’affaire. Et pourtant, la principale leçon de la machine à pain, ce n’est pas celle-là!

La règle de base de la machine à pain, quelle qu’elle soit? Suivre la recette. Placer les ingrédients dans l’ordre indiqué. Ah ouin? Les livrets d’instruction disent souvent de faire attention: la levure et le sel ne doivent pas se toucher! (Euh… ils vont se toucher dans trois secondes quand je vais péser sur le piton, pourtant! Ils se touchent dans le bol quand je fais ma pâte à pain!) L’eau doit être froide! (Avant qu’on la mette dans une machine qui est essentiellement un bol à mélanger et un four?!) Les quantités, il faut respecter les quantités!

Quand j’ai eu ma machine, j’avais encore en mémoire la recette de base pour la machine précédente. J’ai appris la nouvelle. J’ai essayé différents modes: les pains rapides avec de la levure rapide, c’est… rapide. C’est le seul compliment que je peux leur faire! Les gâteaux, vaut quand même mieux les faire au four. Les modes fancy? Ne fonctionnent pas mieux que le mode ordinaire numéro un. Bon. Mais avec le temps, oh-ho: j’ai pris de l’assurance. Et j’ai beaucoup modifié la recette de base. Je voulais mélanger farine blanche et blé entier, j’ai ajouté du gluten de blé. J’ajoute du lait en poudre. Je diminue le sel. J’utilise bien plus de farine que ce que dit le livret (un quart de plus!).

Mine de rien, au fil des ans… j’ai appris comment faire, comment personnaliser la recette selon mes souhaits. J’ai gagné en assurance. J’ai aussi appris que peu importe ce qu’on met dans le bol, il faut regarder la machine mélanger le tout et ajouter de l’eau, des flocons d’avoine, de la farine au besoin, parce que c’est la texture de la boule de pâte qui indique si tout va bien. Et ça… c’est de l’expérience. Ça ne s’achète pas. Ça ne se transmet pas vraiment (j’ai beau expliquer ça à mon Homme, il démarre la machine et part ailleurs… j’ouvre la porte et je vois tout de suite s’il manque une tasse de farine ou quelques millilitres d’eau).

Moi, là? J’aime ça avoir des modes d’emploi. Quand j’était toute jeune et que je voulais me servir de fines herbes, j’aurais voulu qu’on me donne une charte, un tableau, qu’on me dise voici comment faire en toute circonstance. Je n’ai pas trouvé, ça m’a frustrée, et j’ai longtemps suivi des recettes à la lettre. Me faire dire qu’avec l’expérience, je saurais… ça n’a fait que me décourager. Alors la machine à pain, un appareil électronique, il me semblait logique que ça fonctionnerait comme 2 + 3 = 5. J’aime ça simple comme ça. Clair, carré, cartésien, simple! Mais c’est du pain. De la chimie, de la cuisine. De l’art aussi un peu. Et il y a mille variables. C’était vrai, pour le pain comme pour les fines herbes, que ça prenait de l’expérience, et qu’il n’y a pas beaucoup de raccourcis possibles. En attendant, on suit la recette et on observe. On essaie et on observe.

La leçon que je tire de tout ça, c’est d’arrêter de m’énerver. Ben oui, tout vient à point à qui sait… expérimenter. Il y a des choses qui prendront dix ans avant d’être bien apprises, intégrées (les vôtres ne seront pas les miennes). Je n’ai tellement pas eu la patience d’acquérir de l’expérience, de l’expertise, que je ne me suis pas vue l’accumuler. C’est vrai pour plein de choses, presque dix ans après notre arrivée à la campagne: plein de choses sont devenues simples ou évidentes, comme par magie. Comme par magie, oui. Il a suffi de les faire… quelques milliers de fois!

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2 réponses à La leçon de la machine à pain

  1. Chantal dit :

    T’as tellement lemtour de vouloir me faire acheter des machines. Parce que je sais que t’es pas tellement gadget, quand tu m’en vends une, je la VEUX! Pis devine quoi? Ben j’ai cette machine à pain qui traine, mais le fameux gadget au fond? Ben il a été composté par mon chum avec une motte de pain collé. Je l’ai utilisée peut-être 6 fois, cette machine (gratis, donnée aussi).
    Je me demande d’ailleurs si je ne pourrais pas l’utiliser comme incubateur à tempeh…

    • Helene dit :

      J’ai tellement pensé à toi quand j’ai perdu ma gugusse! Mais si la mienne a été compostée on va la trouver un jour au fond de la volière ou du poulailler. Quand j’ai voulu en racheter, c’était en rupture de stock! Je pouvais m’en trouver sur eBay pour 30$ au lieu de 4$! Heille, fâchant! (J’ai attendu!)

      La raison du pourquoi de la machine, c’est beaucoup que je ne peux pas avoir du pain qui a de l’allure facilement chaque jour si je ne le fais pas. Et le pain sans pétrissage, je le fais souvent, mais à 5 dans la maison, avec amateurs de sandwichs, de rôties et de tartines…!

      Récemment on a acheté du pain tranché à plusieurs reprises. Les enfants aiment ça, c’est mou et carré (et sucré…). Mais moi? Je vois tout le plastique, et je ne comprends pas pourquoi ça entre chez nous. Ça me remotive à faire notre pain. Qui, même à la machine, est bien plus savoureux que le pain emballé de plastique. (Gros désavantage par contre: comme mon pain est pas coupé, les enfants peuvent pas se servir facilement seuls.)