Alcool et grossesse

Boire durant la grossesse est à proscrire absolument puisque le moindre risque est un risque de trop, tel le veut la morale populaire en Amérique du Nord. C’est un point de vue (si une femme choisit de ne boire aucun alcool durant sa grossesse, ce n’est pas moi qui vais lui dire qu’elle se trompe; je vais seulement espérer que son choix soit éclairé et soit vraiment le sien [par opposition à céder aux pressions d’autrui ou à suivre aveuglément une croyance sans pousser plus avant son évaluation], mais tant qu’elle est à l’aise avec son choix, ça va!). À chacune de s’informer et de se situer, à son gré, dans l’échelle du risque (vous choisissez de traverser une rue, c’est un risque; vous prenez une douche, c’est un risque! Tout est un risque, mais en Amérique du Nord on vise depuis longtemps le risque zéro illusoire et infantilisant… mais je m’éloigne un peu…).

Je me situe moi-même quelque part entre pleine de bonne volonté (limiter mon café, je veux bien, mais l’éliminer, non — et ma sage-femme me donne raison, na!) et assez sceptique pour ne pas croire tout ce qui est dit. Quand on lit les journaux (en ligne ou papier, ici peu importe) on voit de grands titres choc, du style Boire une goutte de vin pendant la grossesse rend le bébé impuissant à l’âge de la retraite ou Lien entre la consommation d’alcool pendant la grossesse et les verrues plantaires du quatrième enfant qu’aura le bébé, ou Un verre de vin enceinte, un adolescent à la calvitie précoce. Règle générale, les articles de nos quotidiens ne prouvent qu’une chose: l’auteur (je n’écris pas journaliste: il s’agit souvent de torchons bouche-trou qui proviennent des agences de presse, chez lesquelles je trouve de plus en plus de fautes impardonnables [et il est tout aussi impardonnable que nos quotidiens les publient sans regard critique]) n’a pas lu l’étude, ne l’a pas comprise et/ou n’a pas su en extirper les données pertinentes.

Je suis loin d’être une scientifique, mais je peux vous expliquer certains trucs quand même au besoin. Si l’étude prtait sur des mouches à fruits enceintes, on s’en fiche (pas les mouches à fruits). Si les données de l’étude ne concordent pas vraiment avec les conclusions (par exemple on note une différence minime dans les données, mais dans la conclusion on en fait grand cas, en oubliant que la minime différence avait disparu peu de temps après…), l’étude est biaisée, ou ses auteurs ont intérêt à conclure d’un bord ou d’un autre (et ça peut être inconscient… ou un intérêt financier qui joue! Qui finance les études des universitaires, vous croyez?). Si l’étude porte sur six femmes hispanosuédoises obèses, ses conclusions risquent de ne pas pouvoir s’extrapoler jusqu’à vous. Si le titre de l’étude parle, disons, de l’impact de la consommation d’alcool pendant la grossesse sur le bébé à tel ou tel âge, mais qu’en la lisant vous comprenez que les femmes de l’étude prenaient toutes aussi, comme par hasard, des amphétamines, vous pouvez remettre en question le lien fallacieux qui y est peut-être fait. Ce sont des exemples, mais c’est extraordinaire à quel point il est fréquent qu’en grattant la surface d’une étude soi-disant révolutionnaire, on se rende compte qu’elle ne nous apprend rien mais nous mène plutôt en erreur.

En juin 2010 est parue une étude ayant porté sur plus de 11 000 femmes (déjà un bon signe!), ainsi que leurs enfants, pendant la grossesse et lorsque les enfants ont eux cinq ans (une longue étude, autre bon signe dans ce cas!). Oui, il s’agit d’humains. L’étude le dit en prémisse: on sait qu’une grande consommation d’alcool est nocive, et on sait aussi… qu’une consommation faible d’alcool durant la grossesse n’est associée à aucun risque accru de problèmes comportementaux ou de déficits cognitifs. Ah mais c’est qu’elle est britannique, cette étude, pas nord-américaine (je soupçonne qu’ici on aurait pris des pincettes et utilisé des gants blancs pour dire quelque chose… de plus mou)! La conclusion de cette étude-là, c’est que boire une ou deux consommations d’alcool par semaine (ou par occasion) ne cause aucun problème chez l’enfant, même une fois celui-ci âgé de cinq ans. On ne parle pas de mouches à fruits, pas de Suédoises hispanophones obèses, pas d’amphétamines. Que de femmes normales (qui, soit dit en passant, ont probablement rapporté quelques verres de moins qu’elles n’en ont bu en réalité! Hé: pas que les chercheurs qui se trompent parfois)… et d’enfants normaux eux aussi.

Bref? On se calme. On ne part pas en fou pour vider la SAQ non plus, mais on ne s’énerve pas. Et je ne parle pas aux femmes enceintes, là: je parle à toute la foutue société qui croit avoir un droit de propriété sur les bedaines grossissantes. Arrière, moralisateurs ignorants! Aux femmes de s’informer et de prendre leurs propres décisions. Moi? Je vis bien avec mon choix, qui est justement de ne pas virer folle avec ça. Si j’ai envie d’un verre de vin, je le remplis, mon verre. Oh, ce sera le seul ce soir-là et je le boirai lentement (parce que c’est le seul!), mais sans culpabilité aucune. À quand, d’ailleurs, une étude sur la culpabilité qu’on impose aux femmes enceintes et aux mères, et sur son impact sur le développement des enfants? Ça, ça serait intéressant!

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11 réponses à Alcool et grossesse

  1. Manon dit :

    J’adore ton point de vue 🙂

    Perso, j’ai très peu bu d’alcool durant mes grossesses et allaitements… mais j’ai quand même pris un (pas 5 non plus) verre à l’occasion!

    Ma raison?
    (c’est la mienne seulement :P)

    J’ai vu trop souvent en labo ce que de l’alcool pouvait faire à des cellules en culture. Je sais, c’est extrapolé (de la cellule unique à tout un organisme) mais j’ai vu l’effet trop souvent et ça a éteint mon envie d’alcool (celui où on peut prendre plusieurs verres dans une soirée) durant la grossesse (particulièrement au début moment où il y a qu’une poignée de cellules… Potentiellement si une de celles-là « mute » la répercussion sera énorme en terme de % sur l’organisme en devenir… mais plus le temps passe et moins c’est vrai… mais une mutation ça peut avoir des effets positifs ou négatifs) Alors plus le temps passait et plus j’étais capable de prendre un verre occasionnel.

    Résultat: Je me suis sevrée de mes années universitaire!!! Maintenant je suis très peu résistante à l’alcool… Comme un jeune de 15-16 ans (parce que veux-tu ben me dire qui n’a jamais pris d’alcool avant d’avoir atteint l’âge de la majorité au Québec!?!).

    D’ailleurs nous reprenons du service pour se faire de l’alcool maison chez moi 😉

    • vieux bandit dit :

      Bah tu sais, je me suis fixée une certaine limite… et je me rends compte que je ne l’atteins pas. (Parfait, j’ai pas l’impression de me priver!)

      Sauf que l’alcool… j’AIME ÇA! Pas me saouler, mais boire et savourer! Oh, je ne me sens pas torturée, mais en même temps je me dis qu’on verra bien, au moment d’allaiter, si je ne peux pas m’arranger parfois… 😉

      Je m’ennuie de mon scotch!

    • vieux bandit dit :

      Je comprends ton point de vue « cellulaire » (hihihi), mais en même temps, je connais plein de femmes qui ont appris tard qu’elles étaient enceintes et qui ne s’étaient aucunement privées avant de savoir (genre… voyage dans un « tout compris »!). Ça a donné de beaux bébés quand même! 😉

      Ce que je veux dire, c’est que des points de vue plus extrêmes que le mien là-dessus peuvent être totalement légitimes. Mais pour une fois je peux viser l’équilibre (au lieu d’avoir une opinion hyper tranchée comme ça m’arrive souvent!)! 🙂

      J’ai aussi beaucoup de misère avec la culpabilité qu’on met (comme société) sur les femmes enceintes. Fais pas çi, fais pas ça… HEILLE! On parle d’adultes! Me semble que je fabrique assez de culpabilité pour une armée, alors ceux qui veulent en rajouter… la sortie est par là! 😉

      • Manon dit :

        hihi!
        bébé #1 était loin d’être prévue ici… On essayait même pas!

        Je sais ce qui s’est passé (question d’alcool) durant la période propice… 😉

        Mais je me suis aussi toujours posée la question si sa malformation (anus antérieur) avait été dû à cela… Je ne saurai jamais vraiment non plus! Mais je ne m’en fait plus non plus puisque tout va bien maintenant!!!

  2. Manon dit :

    Pendant l’allaitement, moi ça fuckait toute ma production :S

    C’était tellement de trouble (pour moi) que je préférais pas prendre d’alcool pour éviter ces troubles!!! Sauf que je suis persuadée que c’est différent d’une fille à l’autre 🙂

    • vieux bandit dit :

      Sûrement… bon, une autre affaire à espérer! 😉

      (Mais déjà je comprends ça: les priorités sont pas mal claires sur ce plan, et à moins de désastre catastrophique (genre: je tombe dans le coma…), j’entends allaiter!)

  3. La Marmotte dit :

    Je ne suis déjà que très peu portée sur l’alcool, alors ce n’est pas un sujet qui me travaille vraiment…

    Mais pour ma part, advenant le cas d’une possible grossesse…
    Jen’ai pas l’intention de me priver d’un dessert qui comprendrait une liqueur, par exemple, comme j’ai vu certaines femmes le faire pendant leur grossesse (leur choix, rien à redire là-dessus remarque bien!).

    • vieux bandit dit :

      Y a des femmes qui évitent le café aussi, complètement. Leur choix! Mais MOI, sans café… c’est autre chose! Le Coco, à 5-6 ans, savait que le matin, en cas de doute, en me voyant, valait mieux demander si j’avais eu mon café déjà ou non! Et en cas de non, il revenait un peu plus tard! Hahaha! (Euh… c’est vrai.)

      De toute façon, j’avais diminué ma quantité de café déjà, alors ça ne me prive pas non plus.

      Un truc auquel je pense souvent, c’est que ma grand-mère maternelle a eu ses onze enfants sur une petite île au milieu du Saint-Laurent sans savoir tout ce qu’on sait — ou croit savoir — sur le développement du bébé et sur la grossesse, sans se faire dire ci et ça (par exemple, je doute que quelqu’un lui ait dit de « moins en faire »! Sur une ferme! Ha! Je doute aussi qu’en ce temps-là on se privait d’une ponce en cas de grippe, etc. et alouette. Ah et le lait cru, vous pensez pas qu’elle en buvait et que tous ses enfants en ont bu?). Ils ont vécu, ces enfants-là! Je dis pas que je voudrais vivre ma grossesse dans ses conditions à elle, wôôôô! Mais je me dis qu’on s’en fait beaucoup, mais alors là beaucoup trop, et quand je sens que l’angoisse s’approche… ça m’apaise!

  4. Les deux pieds dans le bonheur dit :

    Ah la grossesse est les interdis! Moi aussi, j’ai fais le choix de doser moi-même ma tolérance. Pour la bière, j’ai trouvé une bière sans alcool que j’aime, pour le vin, je bois environ une fois par semaine un demi-verre et je vis très bien avec.

    Pour l’allaitement et l’alcool, ça si ça peut te faire plaisir, la danger est très mince. Si la mère boit trois consomation back à back, son lait ne condiendra pas plus d’alcool qu’une banane bien mûre. Le Dr Newman qui est un spécialiste très reconnu en allaitement dit que tant que la mère est capable d’enligner elle-même son bébé au sein, il n’y a pas de risque pour le bébé. On aime ça des spécialiste qui ne cherche pas à nous faire peur pour rien. 😉

    • vieux bandit dit :

      🙂

      À la maison de naissance, on m’a justement remis certaines des fiches d’information du Dr Newman (et j’ai trouvé les autres en ligne pour une amie)! Et quand j’ai lu qu’une consommation raisonnable d’alcool n’était pas un problème, je suis partie à rire: je ne sais pas ce qu’il entend au juste par raisonnable, mais après des mois et des mois de quasi abstinence, une bière au complet risque de m’assommer, alors je ne risque pas de tomber dans la déraison! 🙂

      Enligner le bébé au sein: hahahahaha, tu parles d’un critère! J’adopte! 🙂

      Je m’étais dit « pas plus de deux verres de vin par semaine », mais je crois que j’ai atteint ce sommet… deux fois. La plupart des semaines, je ne bois pas du tout. Mais c’est aussi que ce qui me tente, c’est pas tellement le vin: c’est le scotch et le gin tonic! Et pour ça je vais attendre. C’est pas comme si j’en souffre. Au contraire, ça me fait du bien de me réserver des plaisirs pour après: si je m’ennuie de sentir le bébé, si les hormones me rendent nostalgique de la grossesse, je pourrai au moins me dire qu’il y a quand même des avantages (porter MON linge, boire un peu, me coucher sur le ventre parfois, etc.!).